Est-ce que ça marche économiquement ?

Si l’entreprise autogérée refuse a priori la course au profit, elle doit pourtant se poser la question de la viabilité économique. Il est d’autant plus facile de partager le gâteau, qu’il y a du gâteau. Pour pouvoir se salarier, payer ses factures, développer des activités, il faut dégager des ressources. Bref, créer de la richesse. Pour que le projet collectif vive et se développe selon ses propres critères, dans l’autonomie, il doit donc être viable économiquement.

Si l’entreprise autogérée refuse a priori la course au profit, elle doit pourtant se poser la question de la viabilité économique. Il est d’autant plus facile de partager le gâteau, qu’il y a du gâteau. Pour pouvoir se salarier, payer ses factures, développer des activités, il faut dégager des ressources. Bref, créer de la richesse. Pour que le projet collectif vive et se développe selon ses propres critères, dans l’autonomie, il doit donc être viable économiquement.

Une structure autogérée dispose d’atouts pour mettre en oeuvre son projet que d’autres modes d’organisation du travail n’ont pas. Elle s’appuie en effet sur sa première
richesse : les membres du collectif.

L’union fait la richesse

Par définition beaucoup plus impliqués dans un projet autogéré, les membres du collectif donnent le meilleur d’euxmêmes car d’eux seuls dépend leur devenir économique. N’étant pas en situation d’exploitation, ils n’ont pas à craindre de se voir déposséder des fruits de leur travail.Au contraire, ils ont beaucoup de choses à retirer du collectif. S’engager dans un projet autogéré amène forcément à partager collectivement l’ensemble
des ressources. Les ressources, réseaux de connaissances, compétences, savoir-faire, profitent alors au collectif.
Dans une organisation qui ne privilégie pas le mérite individuel mais la progression collective, ces ressources circulent d’autant mieux et collaborent d’autant plus efficacement. L’autogestion permet donc un travail d’équipe véritable. Dès lors, l’entraide, la solidarité, le travail commun prédominent ce qui ne peut avoir qu’un effet bénéfique sur la qualité de la production ou du service. En permettant un mode de fonctionnement «pacifié», la structure autogérée produit une qualité de travail qui a des effets bénéfiques sur
le plan économique.

Des marges de manoeuvre plus importantes

Étant leurs propres patrons, les travailleurs peuvent s’adapter autant qu’ils le souhaitent aux contraintes économiques qui pèsent sur la structure. L’autogestion permet donc une plus grande flexibilité (dans le bon sens du terme) du travail. Non seulement pour adapter les horaires en fonction des envies de chacun mais aussi pour suivre les évolutions de la production. Dès lors
que chacun est responsable au même titre que les autres face aux contraintes qui s’imposent au collectif, ces contraintes sont gérées et assumées collectivement.
Elles pèsent donc moins fort sur un individu pris isolément et la réponse qu’on y apporte est d’autant plus
efficace qu’elle est portée par tout le groupe.

Cette capacité d’adaptation peut aussi jouer sur les salaires et ainsi influer fortement sur la viabilité du projet. À partir du moment où tout est partagé, qu’il n’y a
pas de soupçon d’appropriation de la valeur ajoutée, on accepte plus facilement par exemple de baisser son salaire pour que la structure passe un cap difficile pour poursuivre une activité qui tient à coeur même si elle n’est pas forcément rentable. Et la flexibilité peut aussi jouer dans l’autre sens. Si les choses se passent bien, que la structure dégage un peu d’excédent, le collectif a toute latitude pour en faire ce qu’il veut : se le partager, investir pour la structure ou développer de
nouvelles activités.

L’autogestion n’est pas de l’auto-exploitation. A gérer collectivement, on fait ce que l’on veut. Au collectif de tracer les limites qu’il se donne, forcément plus souples que dans une entreprise traditionnelle où toute remise en question des salaires et des conditions de travail au nom de l’équilibre économique est inadmissible.

Que faire si on est hors modèle économique ?

Que faire si l’on est sous le modèle viable ? Arrêter ? Baisser les salaires ? Augmenter la productivité ? Au moins peut-on faire des choix lucides si l’on connaît
la gestion et que cette connaissance est partagée par tous. On peut alors réellement choisir entre les trois options proposées dont aucune ne constitue forcément un constat d’échec. L’intérêt du contenu de l’activité ou du mode de fonctionnement peut entraîner différents types de réponses pour permettre la continuation.

Certains ont ainsi été loin dans la “ créativité ”. À Ardelaine (Ardèche), face à l’énormité de l’effort initial à accomplir au regard des possibilités financières de chacun, ils ont décidé de mutualiser leurs revenus. En
réalisant ainsi d’importantes économies sur la vie quotidienne, ils ont pu supporter une longue période de très bas revenus, permettant ainsi l’accumulation initiale nécessaire.

Que faire si l’on est au-dessus du modèle ? Bien que moins souvent, cela peut arriver. Bien sûr, les choix sont alors multiples. On peut décider d’augmenter les salaires, de baisser les prix. Mais on peut aussi décider de travailler moins pour embaucher de nouveaux venus. On peut également décider de moduler ses tarifs selon le type d’interlocuteurs. On peut investir le surplus dans de nouveaux projets. Là encore plus, l’imagination devrait
permettre de ne pas se limiter à créer un îlot de riches autogérés au milieu d’une société de pauvres et de chômeurs.

Faut-il se faire subventionner ?

Certaines activités n’ont pas de viabilité économique autonome car leur prise en charge est largement socialisée. Ce qui est d’ailleurs une bonne chose, même si
certains parleront plutôt d’étatisation que de socialisation. C’est le cas de l’éducation, de l’action sociale, etc. Ce peut être également le cas, au moins en partie, dans le développement local. Le financement de ces activités passe obligatoirement par la subvention. Comment conserver son autonomie et son fonctionnement autogestionnaire dans ces conditions ? Le financeur, souvent unique, ne risque-t-il pas d’imposer ses règles ?

Les exemples de La Montagne vivra et de Oser à Bourg-en-Bresse montrent qu’un service social peut fonctionner selon ses propres règles, y compris en ne respectant pas le mode hiérarchique des fonctions et des rémunérations pourtant scrupuleusement prévu dans le mode de financement de cette activité. Pourvu que le service soit rendu selon les critères prévus et pourvu que le financement soit
celui prévu par les normes, le financeur est souvent susceptible de ne pas se mêler du fonctionnement interne de la structure. Au même titre d’ailleurs que le client “ capitaliste ” d’une structure autogérée est le plus souvent indifférent au fonctionnement interne de son fournisseur autogéré.

La question à se poser vis-à-vis de la subvention est donc avant tout de savoir si elle risque d’aliéner l’autonomie de la structure, de la rendre durablement dépendante. Il n’y a aucune raison de chercher les subventions à tout prix si l’activité ne se situe pas dans le cadre des
activités socialisées actuelles.