Le 19 mai 2006, la Péniche est invitée Place du Colonel Fabien pour parler d’autogestion. Bigre ! L’occasion est belle, nous nous rendons plein d’entrain au siège du PCF.
Le 19 mai 2006, la Péniche est invitée Place du Colonel Fabien pour parler d’autogestion. Bigre ! L’occasion est belle, nous nous rendons plein d’entrain au siège du PCF.
Dans le cadre de 3 journées d’études internationales, co-organisées, pour la France, par « l’Atelier de l’autogestion », Espaces Marx, la Fondation Gabriel Péri, OMOS et de nombreuses revues critiques, sur le thème « Enjeux de civilisation pour le XXIe siècle, Alternatives, émancipations et communisme », Sylvie Mayer (Espaces Marx, PCF), animatrice d’un des 12 ateliers, intitulé « Coopératives, autogestion, nouvelles formes de propriété, de gestion et d’échanges» envoie un mail générique à toutes les scop répertoriées sur le site de la Confédération générale. Nous serons la seule entreprise présente à cet atelier, dont l' »autogestion » n’est pas le seul terme, mais le seul à nous intéresser. Le compte-rendu qui suit est donc volontairement partial.
Ouverture théorique mais dans les clous
Atmosphère détendue dans le hall de l’espace Niemeyer, personne ne vous demande rien, pas de contrôle particulier : la fantasmagorique paranoïa communiste n’a plus court. Nous gagnons le 6e étage pour participer à l’atelier. Une trentaine de personnes sont accueillies de la tribune par Sylvie Mayer (responsable du groupe de travail « Commerce équitable économie sociale et solidaire » du PCF) qui se lance dans un court exposé introductif développant l’idée « d’appropriation sociale ».
Passons sur la mise en scène très peu participative, le propos est plutôt rassurant : « l’idée n’est pas de tout nationaliser, il faut, à côté d’un secteur public à renforcer, des formes d’autogestion par les salariés. Quel statut pour ces entreprises qui ne seront pas des entreprises de capitaux ? Quel statut pour les entrepreneurs salariés ? quel système de régulation des prix ? » (1).
Maurice Decaillot (Université de Marne la Vallée) prend la suite, détaillant les nouvelles formes sociales d’échanges, qui ne sont ni du garantisme, ni la renonciation à l’usage de la monnaie et qui passent par des réseaux d’échanges locaux, le financement équitable, l’accès universel à la culture. « Briser le chantage marchand » passe par le dépassement du salariat, la réappropriation et la réciprocité sociale.
La dernière contribution de la tribune, au nom de l’Observatoire des mouvements de la société (présidé par Pierre Zarka), s’attarde sur les nouveaux concepts de développements et insiste sur le travail idéologique à mener pour « modifier le paysage mental », « produire des rapports sociaux différents et pas seulement une autre production matérielle ». En concluant sur le rôle des médias, qui forgent des représentations politiques contraires « à nos ambitions autogestionnaires », il reconnaît que sa génération s’est un peu désinvestie de la réflexion autogestionnaire, pourtant essentielle en ce qu’elle suppose une « construction par le bas, hors de l’Etat ». La parole est à la salle.
Une entreprise autogérée et 30 militants PCF peu concernés
Exceptée l’intervention d’un syndicaliste bolivien sur la gestion communautaire des ressources en eau et de leurs distributions, la grande majorité des présents dans ne se souciera plus de la thématique, sans parler du terme à proprement parler.
Tous sont militants PCF, se connaissent de longue date et s’appellent par leurs prénoms. L’identité « PC » suffit à les situer, très peu prenant la peine de se présenter professionnellement. Seuls deux intervenants recolleront à la problématique, Isabelle Halary, chercheuse à Reims et Michel Fiant, membre des Ateliers pour l’Autogestion. Ce dernier a rappelé fort justement que l’autogestion n’est pas qu’une forme de délégation du pouvoir (une personne = une voix), mais qu’elle suppose une réelle appropriation du capital, des techniques et de la culture.
Répondant à un militant PCF de l’Indre apparemment soucieux de démocratie actionnariale, Isabelle Halary, auteure d’une contribution sur la mise en réseau pour sortir les Scop de la concurrence, a utilement rappelé qu’il ne pouvait pas sérieusement être opéré de distinction entre la question de la gestion de l’entreprise et celle de la propriété collective du capital.
Une bouteille à la mer ?
C’est donc un brin dépités que demandons le micro pour rappeler simplement qu’il existe ici aussi, et pas seulement en Amérique latine, des entreprises autogérées, que leur souci premier n’est pas d’éviter de se faire avaler par le marché mais de trouver, au quotidien, des solutions au poids des fondateurs, de travailler vraiment horizontalement malgré les spécialisations de fait et les appétences… et qu’il suffit de s’y rendre (2).
Il est 12h30, fin programmée de l’atelier, lorsque nous évoquons l’existence d’autogestion.org. Nous quittons alors la salle avant la levée de la séance, avec le sentiment d’avoir perdu du temps : contrairement aux autres participants « nous avons une entreprise à faire tourner ! ». Malgré l’insistance rhétorique constante aux « pratiques », au « concret », rien de ce que nous avons entendu avait trait directement à l’économie autogérée. Au PC, comme chez les Anar, les Alternatifs ou la CNT, l’autogestion de la production ne semble intéresser au-delà de la douce nostalgie ou de l’affichage.
NOTES
(1) voir sur ce point voir comment Philippe Herzog, l’homme du programme commun, distinguait « nationalisation et étatisation »)
(2) Le mail envoyé à Sylvie Mayer en guise de contribution à l’atelier reprend l’intégralité de l’intervention :
« Bonjour,
Comme vous nous y invitiez, voici notre contribution aux journées d’études du 19-21 mai, en ligne sur le site « autogestion.coop » que nous souhaiterions voir figurer sur Espaces Marx.
Nous sommes une entreprise autogérée. Nous disons bien autogérée. Nous sommes une Scop, mais seulement parce que c’est le statut juridique qui convient le moins mal à notre mode de fonctionnement. Le mouvement des Scop ne s’intéresse pas à l’autogestion, voire est très réticent à son égard. Il s’intéresse avant tout à la démocratie dans l’entreprise et peu à la question de la hiérarchie du pouvoir comme celle des salaires. Il est de plus très préoccupé de son « honorabilité » en matière d’efficacité économique, ce qui l’amène à avoir souvent un discours purement libéral qui ne le distingue en rien du secteur marchand, notamment sur le trop grand poids des charges sociales.
Nous voudrions simplement rappeler qu’il existe ici aussi, et pas seulement en Amérique latine, des entreprises autogérées, que leur souci premier n’est pas la crainte de se faire avaler par le marché mais de trouver, au quotidien, des solutions au poids des fondateurs, de travailler vraiment horizontalement, sans hiérarchie, malgré les spécialisations de fait et les appétences… Ce n’est d’ailleurs pas si difficile que cela à réaliser. Il n’est pas difficile non plus de les rencontrer : il y en a forcément une ou plusieurs pas très loin de chez vous. Les entreprises autogérées existent en France, dans tous les domaines de la production, de la scierie à la rédaction en passant par le travail social ou l’agriculture.
Vous évoquiez, au cours des échanges avec la salle, l’Amérique latine où un véritable champ « autogestionnaire » était en constitution, mêlant expérimentations pratiques et travail théorique des intellectuels. Il pourrait en être de même en France, si, notamment, les intellectuels du PC se saisissaient plus ouvertement de la question. M. Decaillot dans sa seconde intervention suggérait la nécessité de cultiver l’esprit autogestionnaire. Les militants PCF, les syndicalistes, croisent tous les jours, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des jeunes ne souhaitant ni devenir des petits patrons ni s’aliéner à l’usine. Le refus de parvenir, l’émancipation collective furent longtemps au cœur du projet des bourses du travail. Avec ses modestes moyens, le PC pourrait relancer cette perspective aujourd’hui, participer à la création de lieux d’éducation à l’autogestion.
Une réflexion sur l’égalité salariale, le dépassement des inégalités statutaires et de la spécialisation / cloisonnement des tâches complèterait utilement celle des intellectuels du PC sur la réorientation du crédit, le rôle des banques et la nécessaire reconquête des pouvoirs publics.
Très cordialement
La Scop la Péniche »